RÉPARTITION DES RICHESSES ET DE LA FISCALITÉ
Rencontre du 21 octobre 2017 | Liège Cité Miroir
Invités : Georges Gilkinet, Ahmed Laaouej, Marco Van Hees, et Antonio Gambini
Synthèse du débat organisé le 21 octobre 2017 par Notre Gauche à propos du lien entre revenus et fiscalité
Le 21 octobre 2017, Notre Gauche a organisé à Liège, à la Cité Miroir, un débat à propos du lien entre répartition des richesses et fiscalité. En matière de fiscalité, Notre Gauche avance trois revendications : une globalisation des revenus, un rétablissement de tranches d’imposition plus progressive et l’instauration d’un impôt sur le capital.
On trouvera ci-après le compte rendu des échanges entre Georges Gilkinet député fédéral Ecolo, Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre, Marco Van Hees, député fédéral PTB et Antonio Gambini, expert au CNCD, ainsi que des réponses aux nombreuses questions posées par le public.
Notre Gauche remarque les convergences suivantes entre les intervenants tant au niveau de l’analyse que des solutions proposées.
En préambule, il faut noter que la fiscalité n’est pas le seul moyen conduisant à une juste répartition des richesses. Il faut également prendre en compte la répartition des revenus primaires, c’est-à-dire la répartition entre le profit et les salaires. Il y a trente ans, les travailleurs recevaient 57 % de la richesse produite, aujourd’hui 49 %…
Lee régime fiscal actuel est dès lors profondément injuste parce que les riches paient de moins en moins d’impôts et que les profits des entreprises sont de moins en moins taxés. Cela a pour conséquence le sous financement des services publics et l’augmentation de la contribution fiscale des travailleurs et des consommateurs Cela débouche sur une société où 1% des Belges les plus riches disposent d’autant que 60 % des Belges les moins riches…
Le régime fiscal actuel conçu pour un modèle économique où la richesse reposait principalement sur la production industrielle doit être repensé. Il est notamment nécessaire de globaliser les revenus, d’étendre l’assiette taxable en luttant contre la fraude fiscale, d’assurer une meilleure progressivité de l’impôt, d’instaurer un impôt sur le capital et les plus-values, de revoir la fiscalité immobilière, et de contraindre les entreprises à plus participer à l’effort collectif.
Atteindre ces objectifs passe par un travail incessant d’éducation permanente.
Ainsi, il faut mener un combat de reconquête idéologique par rapport à l’hégémonie culturelle de la droite libérale sur toute une série de questions économiques, donc la fiscalité qu’elle a longtemps considéré comme étant sa chasse gardée et en finir avec la logique « Tina ».
Ensuite il faut réhabiliter l’impôt en expliquant à quoi sert l’impôt et qu’il s’agit d’un mécanisme essentielle de solidarité devant permettre la rencontre des besoins en matière d’éducation, de santé, de protection de l’environnement, de culture, de services publics, etc., et donc l’impôt contribue à d’émancipation des hommes et des femmes.
Compte rendu du débat à propos de la répartition des richesses et de la fiscalité organisé par Notre Gauche le 21 octobre 2017
Le débat organisé par Notre Gauche à Liège à la Cite Miroir le 21 octobre 2017 portait sur la réparation des richesses et la fiscalité. A ce propos, Notre Gauche avance trois revendications : une globalisation des revenus, un rétablissement de tranches d’imposition plus progressive et l’instauration d’un impôt sur le capital.
En ouverture du débat, Jean-François Ramquet rappelle que Notre Gauche rassemble des citoyens qui souhaitent susciter le débat sur un projet de gauche et mettre autour de la table des personnes venant d’horizons politiques progressistes différents pour débattre de ce qui les rassemblent et pas nécessairement de ce qui les distinguent ou de ce qui les opposent.
Sur le thème de la fiscalité, Notre Gauche accueille trois députés fédéraux spécialisés de cette matière :l Georges Gilkinet député fédéral Ecolo, Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre et Marco Van Hees, député fédéral PTB. Notre Gauche demandé à Antonio Gambini, expert au CND, d’introduire le débat.
En préambule, Antonio Gambini souligne que la réalité fiscale actuelle, c’est une injustice fiscale massive qui se manifeste sous deux formes : les riches paient de moins en moins d’impôts et les profits des entreprises sont de moins en moins taxés.
Un rapport récent du FMI souligne qu’en moyenne de 1980 à 2017, le taux d’imposition le plus élevé a diminué de 40 %. Le fait que les riches paient de moins en moins d’impôt est directement lié avec la montée des inégalités. A remarquer aussi, qu’il n’y a aucune preuve scientifique ou économique que plus de progressivité dans les impôts amène à une chute de la croissance. Et les chiffres de répartition de la richesse qui viennent d’être cités ne prennent pas en compté les actifs financiers qui sont dissimulés dans les paradis fiscaux. Selon les estimations, ces actifs cachés au fisc vont de 7 à 32 milliers de milliards de dollars. Pour ce qui est de la Belgique, on estime qu’un peu moins du produit national brut annuel est caché dans les paradis fiscaux, montant largement supérieur à ceux que l’on peut observer dans les pays voisins.
Pour ce qui est de la taxation des bénéfices des entreprises, les chiffres de l’OCDE montrent qu’entre 1980 et 2014, le taux de taxation des bénéfices des entreprises a diminué de 45 à 25 %. Si cette tendance à la baisse se poursuit, en 2050, il n’y aura plus de taxation des bénéfices des entreprises. Et la Belgique, n’est pas à la traine en ce domaine : un classement réalisé par la Commission européenne en 2015 à propos des pays pratiquant le plus l’optimalisation fiscale agressive des grands entreprises, montre que la Belgique arrive en seconde position, juste derrière les Pays-Bas.
La diminution de la charge fiscale pesant sur les plus riches et sur les entreprises a bien entendu un coût : le sous financement des services publics, l’augmentation de la dette publique et surtout l’augmentation de la contribution fiscale des travailleurs et des consommateurs. L’évolution du taux de la TVA, impôt injuste qui frappe de façon disproportionnée les plus pauvres et de façon trop légère les plus riches, est significative à cet égard : ce taux de TVA est passé de 1975 à 2015 de 15,5 à 19 %.
Marco Van Hees souligne qu’il ne faut pas commettre l’erreur de considérer que la fiscalité est le seul élément contribuant à une juste répartition des richesses. Il faut également prendre en compte la répartition des revenus primaires, c’est-à-dire la répartition entre le profit et les salaires. Selon les statistiques de la Banque nationale, la part du revenu national qui allait aux salariés est passée de 51,1% en 2014 à 49,5 % en 2016, ce qui signifie une ponction de 6,5 milliards sur les revenus des travailleurs. Le saut d’index a évidemment contribué à cette évolution
Pour le PTB, le combat pour la justice fiscale doit être envisagé sous deux aspects. Il y a d’abord un combat pour mettre en place des mesures pour plus de justice fiscale, comme par exemple, la proposition de loi déposée pour instaurer une taxe des millionnaires. Ce combat se mène au niveau du Parlement, mais aussi par une mobilisation dans la rue ou dans les entreprises. Ensuite, il faut mener un travail de reconquête idéologique par rapport à l’hégémonie culturelle de la droite libérale sur toute une série de questions économiques, donc la fiscalité qu’elle a longtemps considéré comme étant sa chasse gardée
M Van Hees attire l’attention sur le fait que sur les trois thèmes fiscaux que sont la taxe des millionnaires, la globalisation et la progressivité des revenus, et l’impôt des sociétés, le PTB a travaillé sur ces deux axes.
La taxe des millionnaires, c’est tout le contraire de ce que fait le Gouvernement, même si avec la taxe sur les comptes titres, il fait croire qu’il s’attaque au capital. En réalité, cette taxe sur les comptes titres, c’est la meilleure publicité pour la taxe des millionnaires parce que tous les défauts et lacunes qu’il y a dans cette taxe sur les comptes titres, la taxe des millionnaires y répond. On veut faire croire que par rapport aux sacrifices demandés aux travailleurs, c’est une mesure de justice fiscale, alors que les grosses fortunes, comme celles d’Albert Frère y échappent.
En ce qui concerne la globalisation et la progressivité de l’impôt sur les revenus ou sur la consommation, c’est claire est qu’il faut faire l’inverse de ce que fait l’actuel Gouvernement. Le PTB se rallie totalement à l’idée qu’il faut globaliser les revenus et qu’il faut une meilleure progressivité de l’imposition.
Et enfin, il y a l’impôt des sociétés qui est important dans toute la discussion sur la répartition des richesses et sur la question d’une fiscalité plus juste. Depuis des années, le PTB mène des campagnes et des sensibilisation à propos de l’impôt des sociétés pour montrer et démontrer que les multinationales bénéficient dans nos pays d’un paradis fiscal, alors qu’on peut dire que pour les travailleurs, c’est plutôt un enfer fiscal , même s’il ne faut pas délégitimer l’impôt..
En conclusion de son intervention, M Van Hees indique qu’un travail de longue haleine a été fait au PTB pour contrer l’hégémonie culturelle de la droite libérale dans le domaine fiscale. Le PTB l’a fait sur les intérêts notionnels, sur les plus-values immunisées, sur les revenus définitivement taxés. Certaines victoires ont été engrangées, même s’il faut rester modeste. Ainsi, on est partiellement parvenu à faire entrer cette idée que les multinationales ont des grandes facilités fiscales dans notre pays.
D’entrée de jeu, Ahmed Laaouej, souligne qu’Il y a pas mal de convergences dans l’analyse par rapport à ce qui vient d’être dit. Il faut se rendre compte qu’on a un système fiscal en 2017 qui en réalité s’appuie sur une conception de l’économie qui elle, date des années 60. Dans les années 60, fondamentalement, la production de la richesse mobilisait des facteurs de production tels que le capital, le travail, les ressources naturelles. A ce moment, le capital était industriel, détenu par des grandes familles bourgeoises. Aujourd’hui, le capitalisme a un autre visage. Des années 60 à aujourd’hui, le capitalise s’est financiarisé. Il est dominé par des fonds d’investissement ou des multinationales qui sont très éloignés des réalités économiques. Existent aussi, le phénomène des capitaux qui font du capital, c’est à dire de l’argent qui fait de l’argent en dehors de toute création de biens et de services. Ceci conduit à ce que les travailleurs retirent de moins en moins de la richesse produite qui profite de plus en plus aux détenteurs de capitaux. Aujourd’hui, sur 100 euros de richesses produites, les travailleurs reçoivent 49, alors qu’il y a trente ans, cette part était de 57. Mais, malgré cela, sur les 110 milliards d’euros qui aujourd’hui rentrent annuellement dans les caisses de l’Etat à travers les impôts tout niveau de pouvoirs confondu, plus de 70 % repose sur les épaules des travailleurs ou sur la consommation des ménages. Cela veut dire qu’alors même que les travailleurs retirent de moins en moins de la richesse produite, c’est eux qui contribuent le plus au financement des services publics et des protections sociales.
Pour A Laaouej, il y a donc un déséquilibre, un déséquilibre économique, qui se traduit par un déséquilibre fiscal et pour rééquilibrer au plan fiscal, il faut rééquilibrer au plan économique. Cela se traduit dans le combat pour un salaire juste, pour un partage plus équitable du gâteau et passe par les luttes sociales dans les entreprises pour négocier de meilleures conditions salariales et de travail.
Mais, il faut aussi pouvoir mener un second combat de front qui est celui d’une justice fiscale. Il consiste aller chercher de l’argent pour financer les besoins collectifs d’avantages sur les revenus tirés du capital et de la spéculation pas dans la poche des travailleurs comme l’a fait le Gouvernement Michel via un saut d’index qui représente une ponction de 12, 5 milliards sur la masse salariale.
Et pour vendre l’affaire, le Gouvernement Michel annonce un tax shift qui on va réduire l’impôt sur les revenus du travail. Mais c’est un leurre. D’abord, le tax shift ne compense pas tout ce qui a été pris par le saut d’index. Et puis ensuite, les impôts sur la consommation ont été augmentés.
A Laaouej s’interroge alors à propos de la politique de gauche mener en matière de fiscalité. Il y a un impôt sur les revenus qui est progressif par tanche, mais qui est imparfait parce qu’il il a toute une série de revenus qui échappent à cette progressivité. Les revenus financiers ne sont plus soumis à un barème progressif par tranche. Ils sont soumis à une taxe forfaitaire, le précompte mobilier. Cette modification a été introduite par le Gouvernement Martens/Gol, alors que la globalisation remontait à 1962. C’est donc la première chose à faire, reglobaliser les revenus financiers pour avoir une fiscalité plus juste.
Mais, il faut aussi pourvoir étendre l’assiette et là, c’est tout le problème de l’économie souterraine et de la fraude fiscale. En Belgique, on parle de plus de 70 milliards d’euros qui échappent à tout circuit de redistribution par l’impôt ou par la sécurité sociale. Il faut lutter contre la fraude fiscale sophistiquée qui passe par les paradis fiscaux.
Il faut également mener un combat à propos d’un impôt sur le capital et sur les plus-values sur action. Les personnes qui achètent et qui revendent des actions paient 0% d’impôts ce qui a engendré une concentration du patrimoine financier dans les mains de quelques-uns.
Georges Gilkinet souligne qu’il ne faut pas laisser le débat sur la fiscalité aux forces conservatrices. Il y a un combat d’éducation permanente pour réexpliquer le sens de l’impôt et de la contribution la vie collective.
G Gilkinet explique que l’on a hérité d’un régime fiscal illisible, inéquitable, injuste. Ceux qui ont le plus les moyens ne contribuent pas suffisamment et les revenus issus du travail sont trop fortement taxés. Aujourd’hui si on veut créer de l’activité économique, engager des travailleurs et les payer dignement, cela coûte trop cher, simplement parce que les revenus du capital sont épargnés. Aujourd’hui, la répartition des richesses en Belgique, comme ailleurs dans le monde et en Europe est insupportablement inéquitable : 10 % des Belges disposent de plus de 40 % du patrimoine, 20 % des belges disposent de 60 % du patrimoine. Les belges, si ont fait un calcul par habitant sont les plus riches en Europe, les 4ème plus riches dans le monde. Il y a une fiscalité sur le capital qui rapporte à peu près 17 milliards sur les 110 milliards cités plus haut, mais elle est mal pensée et ne touche pas les bonnes personnes. Comme le suggère Notre Gauche, il faut à nouveau globaliser les revenus pour traiter de la même manière les revenus du capital et les revenus du travail, et pour cela il faut créer de la transparence sur les revenus du capital.
Une fois que ce combat sera gagné le reste va aller de soi. On pourra, parce que l’on a élargi la base taxable, avoir une imposition plus progressive. La quotité exemptée d’impôt, c’est-à-dire la partie du salaire que les travailleurs peuvent conserver à 100 % afin d’avoir un revenu permettant de vivre décemment, pourra être augmentée. Et ceux qui ont une plus grosse partie de leur revenu qui est issu du capital contribueront d’avantage. On aura à la fois une meilleure progressivité et une meilleure contribution des capitaux. Pour Ecolo, le combat majeur, le combat premier, c’est vraiment cette reglobalisation des revenus. La globalisation a existé et il n’y a pas de raisons intellectuelles, logiques ou politiques à traiter différemment les revenus du travail que les revenus du capital.
Pour ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale, c’est insupportable de voir la différence de moyens allouer pour aller contrôler la situation des allocateurs sociaux où là tout est permis en termes de non-respect de la vie privée et la faiblesse des moyens que l’on se donner pour aller contrôler ceux qui n’en n’ont jamais assez.
Enfin, pour G Gilkinet il est important de penser globalement. Les Etats se divisent aujourd’hui, la Catalogne, la Lombardie, La Flandre veulent être tout seul et les entreprises se regroupent au sein de multinationales. Et donc, on est aujourd’hui, plus que jamais, on vit une situation où les Etats ne se donnent plus les moyens de contrôler les multinationales. Il faut ici lancer un plaidoyer européen. Les seuls éléments récents, un peu rassurants en matière de justice fiscale, et on doit être critique vis-à-vis de l’Europe tout en étant des fédéralistes, sont venus de l’Europe, de la commissaire Vestager. Il a eu une dénonciation de systèmes fiscaux qui permettent d’organiser le dumping fiscal, y compris en Belgique, comme par exemple l’excess profit rouling. Il faut, placer beaucoup d’espoir dans le fait de mettre ensemble nos forces politiques et pour cela il faut aussi changer l’Europe. Il faut arrêter cette machine infernale qui permet à ceux qui en beaucoup d’en avoir toujours plus et à ceux qui en ont peu de ne pas savoir vivre dignement.
Une première série de questions venant du public portent sur les points suivants : les fonds de pension, la taxation des revenus locatifs, la taxation des commissions secrètes, le rapport de force permettant d’amener des réformes, une politique fiscale wallonne, la taxation des entreprises multinationales, le recul du pouvoir d’achat.
En réponse, Georges Gilkinet souligne qu’en ce qui concerne le recul du pouvoir d’achat, la génération actuelle de parents est la première génération à se demander si ses enfants pourront connaître les mêmes progrès que ceux dont ils ont bénéficié. C’est un vrai souci et faire contribuer d’avantage les revenus du capital est la condition pour permettre de rétablir effectivement les choses. Les propositions qui sont portées par Ecolo en termes de partage du temps de travail vont également en ce sens.
Les fonds de pension sont typiquement l’expression d’une inégalité entre hommes et femmes. C’est une politique – et parfois négociée d’un point de vue syndicale- qui bénéficie moins aux femmes et aux secteurs qui n’ont pas la capacité de contribution, notamment le secteur du non marchand. Donc ce n’est pas une solution. Quand on sait que les fonds de pensions sont les principaux investisseurs dans les entreprises, on en arrive à des situations où c’est l’argent des travailleurs qui pousse au licenciement des travailleurs, simplement parce que l’on n’a pas mis suffisamment de conditions aux investissements qui sont réalisés par les fonds de pensions, la durée de placement. Les fonds de pension investissent à la milliseconde alors que le temps économiques, c’est plutôt cinq ans, pour permettre à un entrepreneur de vraiment développer son activité. Et ceci, c’est sans parler des risques spéculatifs qui sont pris et qui ont amené à la crise financière et bancaire que nous avons tous payés par défaut de contrôle et de conditions. Les fonds de pension privés ne sont pas la solution ; il faut renforcer le premier pilier. Or, c’est tout le contraire que l’on fait pour le moment. On a un gouvernement et un ministre qui prônent que les travailleurs n’ont qu’à se constituer un deuxième ou un troisième pilier.
Pour les revenus locatifs, nous avons une fiscalité problématique puisqu’elle se base sur des revenus cadastraux, càd le revenu théorique lié à la location d’un bien, mais qui ont été évalué dans les années 60. Il n’y a pas eu de péréquation depuis lors. C’est quelque chose qu’il faudrait changer en ayant une taxation sur la base des revenus locatifs réels. Mais cette taxation doit être bien pensée, avec des montants de loyer qui sont évalués par des commissions paritaires locales pour éviter que la taxe qui doit être payées par le propriétaire soit finalement payée par le locataire. Il faut également faire en sorte que les investissements économiseurs d’énergie ou améliorant la qualité sanitaire des bâtiments réalisés par le propriétaire soit correctement déductibles pour éviter que les frais de chauffage soient plus élevé que les frais locatifs.
Dans le système de contribution des plus grands capitaux, il faudrait qu’effectivement, comptabiliser l’ensemble des biens appartenant à chaque belge. C’est une proposition qui s’inspire de Thomas Piketty. Il s’agit de déterminer un taux de bénéfice théorique, et une fois que l’on a déterminé ce taux de bénéfice théorique, y appliquer une cotisation faisant que tous ceux qui sont en dessous du revenu médian ne paient pas, et puis que les 50 % des belges qui sont au-dessus du revenu médian paient de manière progressive. C’est un peu complexe, mais on doit imaginer des systèmes très fins, pur que cela fonctionne. Un tel système est d’application aux Pays-Bas.
Pour ce qui est de la fiscalité wallonne, il faut en revenir au propos sur la nécessité de réfléchir globalement et au niveau européen. La sixième réforme de l’Etat a confié d’avantage de compétences fiscales aux Régions afin d’essayer de rendre le système plus juste. Le peu de choses qui avait été réalisé par la précédente coalition wallonne à propos de la troisième maison d’habitation a été annulé par la nouvelle coalition MR Cdh. Ecolo estime que le gouvernement wallon d’avant le 18 juin 2017 aurait pu plus agir pour plus de justice fiscale. Avant de demander plus de compétences fiscales, essayons d’utiliser celles que l’on a pour améliorer la justice fiscale.
Dans un premier temps, Ahmed Laaouej attire l’attention sur le fait qu’il ne faut pas tomber dans le piège de la droite qui vise à diaboliser l’impôt. Il faut expliquer à quoi sert l’impôt. Si on devait soi-même payer pour la scolarité de ses enfants, par enfant, ce serait 20.000 euros pour les 6 années primaires, 40.000 euros pour le secondaire et 100.000 euros pour le supérieurs. C’est vrai que l’on paye de l’impôt, mais de l’autre côté on reçoit des services publics et des protections sociales. Soyons concret, quand on est confronté à un cancer, et que l’on doit soigner un cancer, en moyenne, c’est 23.000 euros par ans. S’il n’y avait pas la sécurité sociale et les protections sociales, il y a des gens qui devraient vendre leur maison pour se soigner. On doit être le plus concret possible parce qu’en face on a non seulement les partis de droite, mais on a aussi les annonceurs, les sociétés privées qui injectent des milliards dans la publicité pour vendre leurs produits, via la radio, et qui nous font croire que pour être heureux, il faut consommer et que si on n’a pas assez d’argent, il faut s’endetter. Et quand un travailleur s’endette, il est plus vulnérable et moins disposer aux luttes sociales, à la solidarité. C’est peut-être cela aussi une des victoires insidieuses du modèle économique dominant.
Cela veut dire que l’on doit mobiliser beaucoup d’énergie pour faire de l’éducation permanente. Et c’est difficile quand on voit le peu de moyens que les mouvements progressistes consacrent à l’éducation permanente, face aux milliards qui sont injectés pour entretenir un état de dépendance et insuffler que pour être heureux il faut répondre à toutes les sirènes que l’on veut nous vendre, jusqu’à nous endetter, jusqu’à nous rendre vulnérable. Il y a du travail à faire, mais cela n’est pas impossible en étant créatif et imaginatif.
Les fonds de pensions, cela fait partie de la financiarisation de l’économe. On est face à des fonds de pension qui sont très éloignés de nos réalités économiques et qui injectent de l’argent pour prendre le contrôle de nos entreprises en voulant de la rentabilité à 2 chiffres par une mise sous pression des salaires. Est-ce que on peut utiliser la fiscalité pour contrer cela ? Oui, on devrait le faire. L’impôt sur les sociétés devrait être différent selon que les bénéfices sont réinjectes dans l’entreprise sous forme d’investissements ou en emplois ou sont distribués aux actionnaires. Des alternatives existent à une économe dominée par les fonds de pension. L’économie coopérative est notamment un modèle très intéressant. Au Pays Basque par exemple, la coopérative Modragon est un groupe d’entreprise qui emploie près de 37.000 personnes et développe des activités dans le domaine de la finance, l’industrie, la distribution ou encore la recherche et la formation. Avec une logique très simple : le travailleur a une part dans le capital de l’entreprise qui est rémunérée très raisonnablement, avec une façon de prendre des décisions économiques qui s’appuie sur un consensus social à l’intérieur de l’entreprise. Et, on ne peut non plus oublier l’économie sociale.
On ne peut tout résoudre par les impôts. C’est pourquoi, à gauche, on doit pouvoir réfléchir à la manière doit on peut se réapproprier le tissu économique. Il n’y a pas de raison que le public ne met pas des capitaux dans la production de biens et services profitant à la collectivité, avec un prix raisonnables et sans être obnubilés par les bénéfices. Bien entendu, il y aura toujours une part d’économie de marché, mais ne soyons pas inhibé par rapport à cela.
Pour ce qui est de la fiscalité régionale et de l’autonomie fiscale, il faut remarquer que les Régions ont déjà pas mal de compétence en matière d’impôts, à savoir tout l’impôt foncier, tout ce qui est lié au territoire, les droits d’enregistrement, le précompte immobilier, les droits de succession qui pour une large part concerne du patrimoine immobilier, tout ce qui concerne la mobilité, et même, les Régions disposent de la possibilité de réduire l’impôt des personnes physiques. Sans dénier l’idée régionale, on peut néanmoins avoir deux inquiétudes. Pour ce qui est de l’impôt des sociétés au niveau européen et peut-être demain au niveau mondial, on essaye de lutter contre la concurrence fiscale entre les états parce que c’est une course au rabais, une course au moins d’impôts possibles et ce sont les caisses de l’Etat qui trinquent. Si on introduit des distorsions, on devra trouver l’argent ailleurs. Attention aussi à l’impôt des personnes physiques. L’impôt des personnes physiques, est adossé à la sécurité sociale. Si on considère les pensions et les allocations de chômage, ce sont des revenus et on applique l’impôt dessus. Mais si demain, on dit aux Régions qu’elles sont compétentes pour l’impôt des personnes physiques cela donne la possibilité de moduler par exemple la taxation des allocations de chômage en les imposant de manière progressive au fil des années. Et par ce biais, on fait entrer les Régions dans la sécurité sociale.
Les commissions secrètes, c’est un scandale. En gros, il s’agit d’un dispositif qui consiste à dire que lorsque de l’argent sort de manière occulte d’une entreprise, par exemple pour aller vers un paradis fiscal, on ne doit pas identifier le bénéficiaire, pour autant que l’on paie une cotisation de 309 %. Et bien, le Gouvernement Michel a ramené ce montant à 103 %.
Marco Van Hees partage ce qui vient d’être dit à propos des commissions secrètes. Il rappelle qu’il y a dix ans, il avait écrit un livre intitulé « Didier Reynders, l’homme qui parle à l’oreille des riches » et il n’imaginait pas que, comme le fait l’actuel Gouvernement, l’on puisse aller plus loin.
Pour ce qui est des fonds de pension, il faut voir leur double aspect. Il y a une dimension spéculation, mais il y a aussi un aspect « destruction du 1er pilier » puisque c’est au détriment du 1er pilier que les fonds de pension se constituent alors qu’on vit dans un pays où les pensions ne sont pas élevées. Et il faut faire le lien avec la réflexion qui a été faite selon laquelle, aujourd’hui, il y a un recul du pouvoir d’achat et qu’il faut donc 2 salaires pour s’en sortir un tant soit peu décemment. On aborde ainsi la question essentielle de savoir de savoir ce que l’on va faire des gains de productivité. On produit de plus en plus de richesses avec de moins en moins de gens, donc la quantité de richesse augmente fortement, mais où va cette richesse ? Elle va dans les poches des 1% des plus riches qui en Belgique possèdent autant que les 60 % des moins riches. Au niveau mondial, c’est encore plus grave, 1 % possède autant que les 99 autres %. En Belgique, un 1% possède 450 milliards d’euros, chiffre qu’il est difficile à imaginer. La question essentielle est donc de savoir ce que l’on fait des gains de productivité : est-ce que cela va seulement au profit ou est-ce que l’on utilise ces gains de productivité pour une hausse des revenus ou pour une réduction du temps de travail hebdomadaire ou sur l’ensemble de la carrière ? Au PTB on s’inscrit en faux par rapport à ce discours qui dit qu’on vit plus longtemps et que donc, il faut travailler plus longtemps. Non, c’est avant tout une question de répartition des gains de productivité. Il y a moyen d’avoir une meilleure pension et de travailler moins longtemps. Pourquoi travailler plus longtemps alors que les jeunes attendent sur le marché de l’emploi ? On tombe là dans un des dogmes libéraux qui se sont imposés au-delà du cercle des purs libéraux. Chacun faire une réflexion sur approfondie sur le fait de savoir, si soi-même, on n’a pas été contaminé par cette idéologie libérale et capitaliste dominante.
Est-ce qu’il faut plus de compétences fiscales wallonnes ? Le PTB n’est pas un parti régionaliste, mais clairement unitariste. On pense qu’il est important de travailler à la solidarité du monde du travail et que cette solidarité, elle se construit entre les travailleurs du nord et du sud. Heureusement qu’au niveau syndical, cette solidarité existe toujours, même si parfois c’est difficile. Une fiscalité régionale est techniquement très compliquée. On voit déjà les difficultés avec les quelques compétences fiscales qui ont été régionalisées. On a une lasagne institutionnelle qui complique les choses Le débat qui a lieu au niveau wallon à propos de l’impôt sur la fortune -piège que le MR avait tendu au Gouvernement wallon- a montré qu’organiser un impôt sur la fortune au niveau régional, c’est très, très compliqué. Et plus on divise, plus on crée de la concurrence fiscal entre entreprises qui vont jouer » si vous nous ne donnez pas le taux que l’on veut, on va aller en Flandre ». Ce jeu, les entreprises le jouent déjà au niveau des Etats, elles vont encore plus le jouer entre Régions. Il faut donc plutôt éviter un approfondissement des compétences fiscales régionales.
A propos de la question concernant la construction d’un rapport de force, il y a évidemment le rapport de force auquel on pense un peu trop spontanément, le rapport de force électoral qui se traduit au Parlement. Ne voir que ce rapport de force, c’est une vision tronquée de la réalité, de la dynamique sociale. Les gens ont trop souvent le réflexe de dire : « moi je fais de la politique parce que je vais voter une fois tous les 5 ans », et puis de faire confiance aux mandataires élus. Il y a un travail pour dire aux citoyens, « soyez-vous mêmes les acteurs du changement, ne faites pas confiance au seul travail des mandataires politiques ». La mobilisation populaires dans tous les domaines, au quotidien, au niveau des entreprises, de l’associatif, c’est quelque chose qu’il faut encourager. On ne peut pas voir une modification des rapports de force, uniquement au sein du monde politique au sens stricto sensu. Il y a une hégémonie cultuelle libérale qui s’est imposée depuis la révolution néo-libérale des années 80 et qui s’est malheureusement étendue au-delà du cercle restreint des possédants. Si on prend les intérêts notionnels par exemple, le fait de l’avoir accepté en Belgique, c’est dommageable. Et le PS était au pouvoir. Dans un gouvernement, il faut pouvoir faire des compromis, même si on n’a pas tous la même notion du compromis. Mais en terme de combat, d’éducation on peut dire : « voilà, on a voté les intérêts notionnels pace que il y avait autre chose dans la balance, on a dû l’accepter pour avoir cela ». Mais, au moment où les intérêts notionnels passent, il faut pouvoir les critiquer, pouvoir dire, c’est quelque chose que l’on accepter, mais qu’il faut combattre parce que cela profite au plus riches, c’est contrenature par rapport à ce que la gauche doit défendre comme valeur ou comme revendication au niveau fiscale. Mais quand on voit le Premier ministre PS qui à Davos défend les intérêts notionnels, il y a un problème au niveau du combat, d’éducation permanente, du combat à mener contre cette hégémonie cultuelle de la droite.
Une seconde série de questions venant du public porte sur les points suivants : la gauche au pouvoir est-elle en mesure de mener une véritable politique de gauche ? ; la TVA est-elle vraiment un impôt injuste dans la mesure où l’importance du rendement varie en fonction de la valeur du bien ?; que penser du fait que le précompte mobilier ait été porté par le Gouvernement Michel à 30 % ? ; faut-il augmenter le taux d’imposition au-delà de 50 % ? ; ne faudrait-il introduire un impôt sur les machines qui sont destructrices d’emplois ? ; on parle de capitaux statiques, mais on ne parle pas suffisamment des capitaux qui circulent via le trading financier à haute fréquence ; ne faudrait-il introduire un impôt minimal comme au Danemark ?; que faire à l’encontre des plaques luxembourgeoises ? ; la globalisation ne pose-t-elle pas un problème par rapport au précompte mobilier ?; outre le fait d’assurer une redistribution de la richesse, la fiscalité ne devait-elle avoir pour objectif d’améliorer la qualité de l’aire, de l’eau, de permettre la création d’emplois, de défavoriser l’utilisation des voitures et d’encourager d’autres modes de déplacement ?; la rémunération du capital est-elle toujours éthique dans la société actuelle ? ; quelles sont les modalités de mise en œuvre d’un impôt sur le capital ?; ne devrait-on faire un petit fascicule qui explique à quoi sert l’impôt ?
Après avoir souligné que le premier exercice consiste à choisir entre les questions posées, Marco Van Hess rappelle que la TVA est un impôt qui est le même pour tout le monde, quel que soit son niveau de richesse. Albert Frère paie sur un bien déterminé le même montant que sa concierge alors que la progressivité est une composante fondamentale de la justice fiscale qui veut que plus on a un revenu élevé, plus le taux d’imposition est important. Le taxe shift du Gouvernement Michel a fait exactement l’inverse. Les statistiques montrent que les 50 % des belges les plus riches vont profiter de 80 % du taxe shift.
En ce qui concerne le précompte mobilier, c’est vrai qu’il a augmenté sous ce gouvernement et formellement, c’est un impôt sur les revenus du capital, mais qui échappe à la globalisation. Le problème, c’est que les plus grosses fortunes y échappent. Les sociétés d’Albert Frère ne paient que très peu d’impôts et lui ne paie pas de précompte mobilier parce qu’il concentre toute sa fortune dans ses sociétés et que la distribution de dividendes de sociétés en sociétés n’est pas taxée. Donc il accumule et quand on augmente le précompte mobilier, cela ne le touche pas. Dans les faits, les grandes fortunes échappent à toutes les taxations qui sont censées toucher le capital. La taxation du grand capital n’existe pas. Au PTB, on défend depuis longtemps la taxe des millionnaires, ce qui veut dire qu’au-dessus d’un million d’euros, il y a une taxation d’ 1 %, 2 % au-delà de deux millions, 3 % au-delà de trois millions. Il y a une exonération de la maison d’habitation pour 500.00 euros et des actifs professionnels pour le même montant, ce qui fait que dans la pratique beaucoup de gens seront taxés à parti de 2 millions d’euros. Le rendement attendu est de 8 milliards d’euros, d’argent qui pourrait être une alternative à l’austérité.
Le capital est-il éthique ? Ce qui est hallucinant c’est qu’on demande toujours une modération salariale, mais on n’avance jamais l’idée d’une modération de la rémunération du capital. Pourquoi ne pas limiter les dividendes des sociétés ? Chaque fois qu’on donne des cadeaux aux sociétés, cela se transforme en dividende. Le Gouvernement veut diminuer l’impôt des sociétés, mais cette année on arrive à une situation où les subsides salariaux, c’est-à-dire les réductions de cotisation salariales plus les dispenses de précompte professionnelle, sont supérieures au rendement de l’impôt des sociétés : cela qui veut dire que les sociétés ne paient pas d’impôts.
En conclusion, il faut répéter qu’il faut en finir avec l’hégémonie culturelle de la droite libérale. Il faut en finir avec Tina ( There is not alternative) qui instille qu’il n’est pas possible de taxer les riches ou d’avoir une meilleure justice fiscale, parce que les riches vont partir, parce qu’il faut veiller à la compétitivité, etc. Il faut mener un débat et une guerre des idées sur tous ces dogmes que l’on essaye de nous imposer et c’est ce que l’on est en train de faire ici.
En introduction, Georges Gilkinet indique également que vu le temps imparti, il ne pourra répondre à toutes les questions et souhaite attirer l’attention sur trois points.
D’abord, il faut réhabiliter l’impôt pour faire que les citoyens et les citoyennes en Belgique arrêtent de marquer des buts contre leurs camps. On ne peut qu’être frappé par le nombre de personnes qui sur base de simplismes votent contre leurs intérêts. Il faut donc réaliser des campagnes, encore et toujours, pour expliquer le sens de l’impôt, faire de l’éducation permanente en ayant la conviction que l’on ne peut avoir raison tout seul. A cet égard la récente campagne du syndicat libéral qui prône une forme de reglobailsation avec des progressivités différentes sur les revenus du capital et du travail est indicative.
Ensuite, il est nécessaire de combattre plus que jamais les comportements non éthiques et illégaux. On a parlé des voitures immatriculées au Luxembourg, ce qui permet de parler des voitures de société. Aujourd’hui, l’Etat subsidie les embouteillages au niveau de 2 milliards d’euros par ans, parce que plus au lieu de donner des salaires aux travailleurs, on leur a donné des voitures. C’est une ineptie, cela rend les gens malades en provoquant notamment des maladies cardiovasculaires qui après ont un coût en sécurité social. La Belgique est un des pays les plus embouteillés parce que , on ne finance pas suffisamment le réseau de transport en commun. Ce sont des comportements fiscaux qui sont problématiques, comme la fraude l’est. Un autre exemple est le fait que demain Fortis va imaginer un système pour payer la partie du salaire des travailleurs qui est supérieure à 4.700 euros en units, une monnaie virtuelle. Et sur cette monnaie, il n’y aura pas de paiements d’impôts par les travailleurs et pas de financement la sécurité sociale par les entreprises. Il faut être vigilants parce que l’imagination des avocats en matières d’ingénierie fiscal est incommensurable et la lenteur des pouvoirs publics pour y réagir et tout aussi incommensurable, et en définitive, c’est l’Etat qui vole l’Etat.
Enfin, la priorité des priorités, c’est élargir la base taxable. Il y a trop de revenus qui échappent à l’impôt aujourd’hui, ce sont les revenus du capital, ce sont les plus-values. Donc cette première priorité de Notre Gauche, elle est essentielle, elle répond à la question de la progressivité de l’impôt. Si la base taxable est élargie, la réinstauration d’un taux de 52 % à l’impôt des personnes physiques n’a pas de sens. En effet, si on parvient à élargir la base taxable, l’on pourra augmenter la quotité exemptée d’impôt et augmenter le revenu des travailleurs qui ont le moins de revenus.
En conclusion, une nouvelle fois, il faut souligner que la globalisation des revenus, c’est le couteau suisse de la justice fiscal. Avec cette priorité on doit aller en campagne électorale, mais aussi aller dans la rue. Il faut convaincre que créer plus de justice fiscale est nécessaire pour afin de redonner à l’Etat les moyens d’investir, notamment pour que la planète soit habitable. Justice fiscale et justice environnementale se combinant de façon évidente pour les écologistes.
Ahmed Laaouej souhaite d’abord aborder la question relative à la capacité qu’à la gauche d’agir lorsqu’elle est au pouvoir. Il faut regarder les choses en face et dans un pays avec des gouvernements de coalition qui sont plus ou moins à gauche, plus ou moins à droite, plus ou moins de centre gauche, plus ou moins de centre droit, il y a une chose qui est certaine : c’est qu’il sera impossible d’appliquer l’ensemble de son programme. Mais on ne peut pas non plus dire que l’on n’obtient rien. Le bilan de la participation socialise au dernier gouvernement ,c’est, par exemple, 5 milliards d’euros chaque année de contribution du capital pour fiancer le budget de l’Etat et la sécurité sociale ou encore la réduction de la TVA sur l’électricité, mesure sur laquelle le Gouvernement Michel est revenu. A l’inverse, l’absence des socialistes au pouvoir pendant ces trois dernières années, a conduit au piétinement des pensions, à un saut d’index, à des économies de 6 milliards sur la sécurité sociale et les soins de santé, à une réduction de 3 milliards de la dotation à la SNCB, etc. Donc, il est important de participer au pouvoir. Mais pas dans n’importe quelles conditions, en étant le plus fort possible. Il est difficile de comprendre l’attitude consistant à se présenter aux élections, sans pourtant vouloir aller aux responsabilités. La droite au pouvoir, elle est brutale. Par exemple, elle a la tentation de taxer les ménages qui se chauffent au charbon, mais refuse de d’envisager une imposition des piscines. Les manifestations et les mouvements sociaux sont nécessaires, mais il faut aussi prendre ses responsabilités, même si l’on prend des coups et que l’on peut être obligé de reculer pour mieux avancer.
On peut rejoindre l’l’écologie politique qui consiste à dire, qu’on va utiliser l’impôt pour dissuader certains comportements polluant. Mais il ne faut pas non plus que cela soit une fiscalité punitive qui ne pénalise que les pauvres et pas ceux qui ont les moyens de polluer parce qu’ils peuvent payer des taxes. Ensuite, quand on fait un incitant positif, il faut le faire intelligemment, parce que l’on a trop souvent constaté que cela profitait aux plus riches, à ceux qui avaient la possibilité d’investir.
On ne peut être d’accord quand on dit que l’actuel Gouvernement a porté le précompte mobilier à 30 %. Dans les apparences oui, mais on a inventé une machine à blanchir les dividendes qui s’appelle la réserve de liquidation. Les socialistes avaient porté le précompte mobilier à 25 % sans ajouter des mécanismes qui ont pour conséquence de vider la mesure de son effet.
A nouveau, il faut insister sur le fait qu’il faut faire de l’éducation permanente. On doit être convainquant, plus que les autres, et mieux que les autres. Et puis, surtout, on doit rappeler une chose très simple : si il y a un impôt ce n’est pas que pour financer le bras droit de l’Etat, le bras qui juge, le bras qui punit, le bras qui emprisonne, mais aussi pour financer le bras gauche de l’Etat, l’Etat qui éduque, qui soigne, qui protège, qui émancipe.
En conclusion, Antonio Gambini souligne brièvement quatre éléments.
Il faut sans cesse expliquer à quoi sert l’impôt. L’exemple des Etats-Unis où l’essentiel du système de santé repose sur un financement privé est frappant. Les taux de mortalité sont plus élevés parce que les gens sont mal soignés ou n’ont pas de couverture médicale. A côté de cela, les assurances privées s’enrichissent, ainsi que l’industrie du médicament parce qu’il n’y a pas de négociation sur le prix du médicament. Par contre, dans tous les systèmes de santé public, les résultats sont meilleures et ils coûtent moins chers.
Les multinationales doivent être taxées là où elles produisent leurs profits. C’est un principe sur lequel tout le monde est d’accord. Mais il ne fonctionne pas, notamment parce que les multinationales jouent sur les prix de transfert qui permettent au gré des régimes fiscaux d’appauvrir ou d’enrichir leur filiales. En fait, il faudrait taxer les bénéfices de l’ensemble du groupe.
Lors de la crise financière de la fin des années 2010, on a payé en Belgique 13 % du PIB pour sauver les banques. Evidemment, les banques n’ont toujours pas payés cet argent en retour. Une façon de les faire payer, ce serait d’instaurer une taxe Tobin ou taxe sur les transactions financières. Un processus de négociations entre 10 pays européens dont la Belgique est en cours depuis 4 ans pour essayer de mettre en œuvre cette taxe. Mais ce processus n’ a toujours pas abouti en raison du zèle déployer le Ministre des Finances Van Overtvedt pour multiplier la manœuvres dilatoires, et jusqu’à présent, il a réussi..
Enfin, à propos des dossiers fiscaux, il faut se mobiliser au quotidien. Il faut faire un appel à l’imagination de tous, chaque jour pour agir et réagir de façon citoyenne.